• Louis Arnould, le témoin

     Louis Arnould

    (1864 - 1949)

     Né le 7 août 1864 à Trigny en Champagne, mort le 9 novembre 1949 à Champmarin (commune d’Aubigné-Racan dans la Sarthe); professeur de littérature française à la Faculté des lettres dont il est l’une des grandes figures de la fin du XIXe siècle et du début du XXe. Parallèlement à sa carrière universitaire, il consacra presque 50 ans de sa vie à faire connaître l'oeuvre de Larnay. 

     

    Louis Arnould, le témoin

    Résumé biographique

     L. Arnould est l’un des sept enfants nés de l’union de Jacques Edmond Arnould et de Paule Baltard, elle-même fille du célèbre architecte des Halles centrales de Paris, Victor Baltard. La famille est frappée par la guerre de 1870 et se retrouve à Bordeaux, puis à Paris où L. Arnould fait de brillantes études couronnées par un 1er prix au Concours général de version grecque et par deux accessits.

     Il est licencié ès lettres en 1885 et agrégé de lettres l’année suivante. Il enseigne d’abord à Bourg-en-Bresse puis en qualité de professeur de rhétorique au lycée de Poitiers (1887).

     A Poitiers, il épouse Madeleine Faivre (1888), fille du général de brigade Amédée Faivre, Commandant de la Place de la ville.

    Louis et Madeleine Arnould ont eu sept enfants, deux garçons et cinq filles.

    Deux filles devinrent religieuses, comme "Filles de la Charité"- sœurs de St Vincent de Paul".

    Un fils, André, fut tué à la fin de la Grande guerre sur le front italien. (1)

    Un garçon et trois filles se sont mariés et ont fait souche.

     A la suite du départ de Jeanroy à Toulouse, il est nommé maître de conférences à la Faculté des lettres en 1889 et profeLouis Arnould, le témoinsseur à partir de 1898 (décret du 26 novembre).

     La Sorbonne échappe à ce brillant professeur qui ne craint pas d’afficher son engagement spiritualiste et chrétien à une époque où règne un certain sectarisme religieux. Louis Arnould restera professeur à la Faculté des lettres de Poitiers jusqu’à son départ à la retraite en 1934.

    A la retraite, il s'installa définitivement à Aubigné-Racan, dans sa demeure de "Champmarin".

      Honorat de Bueil, seigneur de Racan, et autres auteurs

     La révélation précoce qu’il a de la poésie de Racan grâce aux Stances sur la retraite lui inspire un véritable culte et aboutit à une thèse magistrale longtemps citée comme une grande thèse de Sorbonne : Racan (1589-1670). Histoire anecdotique et critique de sa Vie et de ses Œuvres, avec un Lexique de sa langue en 500 articles (Paris, Colin, 1896) (2). Cette thèse permet à L. Arnould de localiser le lieu exact de la naissance du poète : un manoir transformé en ferme nommé « Champmarin » à Aubigné dans la Sarthe, sur les confins du Maine et de l’Anjou. Il se rend acquéreur de cette demeure en 1904 et la restaure ; il y mourra en 1949. Grâce à la découverte d’Arnould, la commune d’Aubigné devient la commune d’Aubigné-Racan (1934)  et l’une de ses rues porte son nom.

     Louis Arnould n’est pas seulement le spécialiste de Racan et d’Athénagore (philosophe grec chrétien du IIe siècle après J.C auquel est consacrée sa thèse latine). Il s’intéresse à Malherbe, La Fontaine, Chénier, Victor Hugo, Renan, Sully Prudhomme (3). Il parle à ses étudiants du Voyage en Italie de Taine, aborde les sujets les plus divers (la Providence selon Bossuet et Joseph de Maistre, la poésie philosophique en France, les Poèmes barbares de Leconte de Lisle). « Apôtre convaincu et pratiquant de l’ extension universitaire » (Hild, 1905), il collabore à de multiples journaux et revues, organise des conférences populaires dans les villages des alentours de Poitiers, se rend à Niort, à Cognac, fait des communications à l’Académie des sciences morales, est invité à Madrid, à Louvain.

     Le CanadaLouis Arnould, le témoin

     En 1905, il  accepte d’aller enseigner la littérature française à l’Université Laval de Montréal. Il y passe deux années avec sa famille et y fonde une bibliothèque de littérature française. De retour de la « belle province » à la Faculté des lettres, il professe un cours public sur la poésie canadienne (1910-1911) et fait créer l’Office de librairie canadienne chez J. Lévrier au 27, rue Gambetta. Il laisse un livre intitulé Nos amis les Canadiens. Psychologie - colonisation publié en 1913. Arnould peut ainsi être considéré comme le précurseur de l’Institut d’études acadiennes et québécoises.

     Avec ses étudiants

     Louis Arnould est également le fondateur du Bulletin mensuel de la faculté des lettres de Poitiers (1899) qui prend le relais du Bulletin fondé par Arren. A partir de novembre 1898, il tient  des réunions hebdomadaires le lundi à son domicile (d’abord rue du Château d’Eau où il habite quarante ans durant, puis au 33, rue de la Marne) pour prolonger son enseignement sur un autre mode : au cours de ces soirées, ceux qu’on appelle les « lundistes » lisent des journaux et des revues nouvellement parus, des livres sortant des presses, échangent des idées (4). Ces rencontres qui se prolongent jusqu’en 1934 donnent une bonne image de son influence sur ses étudiants, faite de générosité intellectuelle et de rigueur morale. Le soir de la licence, il décore rituellement ses nouveaux licenciés d’une petite rose de Bengale cueillie dans son jardin…

     Larnay et "Ames en prison"

     Un livre plus que tout autre donne la mesure du chrétien fervent et de l’éducateur : il s’agit de "Une âme en prison" (1900) (consacré principalement à Marie Heurtin) devenu "Ames en prison" (lorsqu'il élargit son sujet aux autres sourdes-aveugles de Larnay) connut au moins 26 éditions régulièrement augmentées.

     Louis Arnould fait de ce livre un « hymne d’admiration » aux religieuses de Larnay qui, à force de « prodiges d’ingéniosité, de patience et de dévouement » parviennent à délivrer « l’âme et la pensée, emprisonnées dans leur triple infirmité ». Ce livre est couronné par l’Académie française et vaut à L. Arnould d’être choisi comme correspondant par l’Académie des sciences morales et politiques. Il assure une renommée mondiale à Larnay et à sa méthode de rééducation (5). 

     Mais son intérêt avait des prolongements concrets, et Marie Heurtin ainsi que sa sœur Marthe ont très souvent fréquenté la maison familiale de Louis Arnould. Elles étaient comme des sœurs pour ses filles. Les références à Larnay, "Ames en prison" et Marie Heurtin ont continué durant des décennies à faire partie des conversations de la famille.

     Conclusion et reconnaissancesLouis Arnould, le témoin

     Louis Arnoud est une personnalité marquante de Poitiers pendant toutes les années où il y enseigne : membre (1899) puis président (1905) de la Société des Antiquaires de l’Ouest, secrétaire bénévole de la Société de secours aux blessés militaires pendant la grande guerre, animateur à la fin de sa carrière des équipes sociales ambulantes dans le milieu rural poitevin, il apparaît tout autant qu’un grand universitaire comme un homme de devoir. Le 17 novembre 1934, ses élèves et ses amis lui offrent un banquet à l’Hôtel de France et René Savatier qui le préside lui remet un volume de Mélanges de littérature, philologie et histoire composés en son honneur par  41 auteurs.

     * Correspondant de l’Institut (Académie des Sciences morales et politiques) en 1914.

     * Cinq fois lauréat de l’Académie française, lauréat de la Société française d’Archéologie.

     * Président de la Société poitevine des Antiquaires, président de La Vie heureuse.

     * Membre de l’Institut historique de Provence et de la Société scientifique et littéraire des Basses-Alpes.

     * Chevalier de Légion d’honneur, officier de l’Instruction publique, officier de l’Ordre national du Lion blanc de Tchécoslovaquie (1936).

     

    Notes :

    1. L'édition de 1942 est dédiée "A la mémoire de mon fils, André Arnould, fidèle ami de Larnay, soldat du 107e Régiment d'infanterie, Tombé pour la France et pour Dieu à 22 ans, à l'assaut de la rive gauche du Piave (Italie) la nuit du 26 au 27 octobre 1918". Sans doute les éditions précédentes portent-elles la même mention.

    2. Prix Saintour de l’Académie française. Réédité sous le titre :Un gentilhomme de lettres au XVIIe siècle, Honorat de Bueil, seigneur de Racan, éd. revue et corrigée (1901)

    3. Quelques poètes, avec une préface de François Coppée, H. Oudin, 1907, couronné par l’Académie française, Prix Monthyon littéraire.

    4. Arnould fait une communication sur ses lundistes le 20 mai 1920 à l’Académie des sciences morales et politiques. Les lundistes fêtent leurs « noces d’argent » le 21 mai 1923

    5. Un siècle plus tard une licence de signes française est mise en place à la Faculté des lettres et des langues

    Une page lui est consacrée sur "data BNF".

     Sources :

     * Article "Louis Arnould" dans le Dictionnaire de l'Université de Poitiers, sous la direction de Joël Dalançon

     * Informations et photographies communiquées par M. B. ESTRANGIN, petit fils de Louis Arnould

     * Galerie de photos de Louis Arnould