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Ecrits de Marie Heurtin

 Lettres et écrits divers de Marie Heurtin (1) 

 I

 LETTRE DE MARIE HEURTIN A SA MERE

 Ma chère Maman,

 Combien je suis heureuse de voir arriver votre fête pour pouvoir vous répéter mes sentiments d'affection pour vous et vous offrir mes vœux de bonne fête ! La fête de saint Joseph, votre grand et glorieux patron, va arriver : je redoublerai mes prières pour vous.

 Qu'il vous obtienne toutes les grâces nécessaires, surtout pour sanctifier vos pâques ; j'espère que mon cher papa ne manquera pas à faire ses pâques avec vous. Qu'il prolonge aussi votre vie et conserve votre santé bonne. Je me porte bien, Dieu merci. Et vous comment est votre santé ? J'ai appris avec peine que ma petite sœur Marthe a été enrhumée : je pense qu'elle est bien portante. Entend, parle et voit-elle bien ? Ma sœur Adélaïde et mon frère Stanislas vont-ils bien ? Je pense souvent à ma sœur Elisabeth, je lui ai écrit, mais elle ne m'a pas encore répondu, j'attends tous les jours sa lettre, je désire savoir si elle devient de plus en plus forte. Je suis très contente de vous offrir pour votre fête deux paires de bas que j'ai tricotés pour ma petite sœur Marthe.

 Une paire de bas noirs sont un peu grands, vous pouvez la garder pour elle quand elle sera plus grande. Je pense aussi souvent à ma tante Reine, est-elle en bonne santé ?

  Je vous envoie mes gros baisers pour votre fête, et j'embrasse tendrement mon cher papa, ma chère tante, mes petites sœurs, mon frère et mes autres parents.

 Votre bien affectionnée fille.

 Marie Heurtin.

 19 mars 1904.

 

 Note :

 Les écrits I à VIII sont ceux de l'édition de 1903. Dans les éditions ultérieures, on ne retrouve que les textes II, VI, VII, VIII ; auxquels sont ajoutés deux autres écrits que nous mettons sous les numéros II* et VI*.

 

II

 LETTRE A MADAME L.

 Madame L...,

 Je veux vous écrire avant la semaine sainte pour vous donner des nouvelles qui vous feront plaisir.

 J'ai reçu trois pelotes de soie. Je suis très contente de tricoter des bas pour M. André, votre cher fils ; je veux bien tricoter pour vous témoigner ma reconnaissance parce que vous êtes toujours bonne pour moi.

 J'ai su avec plaisir que votre santé est bonne, ainsi que celle de M. L... et de M.André.

 Vous êtes encore très bonne pour moi : vous m'avez demandé quel objet je désire. Madame, oh ! je vous dis vrai que je ne désire que le trésor de votre affection, et que l'argent que je désire avoir, c'est de vous connaître, de vous voir et de vous embrasser tendrement.

 Le printemps arrive, je suis bien contente, car je pourrai me promener plus souvent. Nous espérons que nous irons nous promener à Poitiers, le mardi de Pâques. Les promenades à la campagne sont plus agréables pour moi. Mes chers parents se portent bien, ainsi que ma petite sœur Marthe. Je suis contente de vous dire une bonne nouvelle : mon petit frère, sourd-muet, sera placé chez les Frères de Saint-Gabriel, à Nantes, pour étudier. Il a sept ans.

 Mes parents ne peuvent pas le garder, car il aime à s'enfuir ; ils craignent qu'il ne lui arrive accident.

 Nous avons eu le plaisir de faire un pèlerinage à saint Joseph, le jour de sa fête, à La Jarrie, petit village non loin de Larnay. J'ai prié ce grand saint pour vous, ainsi que pour toutes les personnes qui vous sont chères. Je veux vous dire que je vais avoir dix-neuf ans le 14 avril, je trouve que le temps passe vite et je me plains que les heures passent vite, car je désirerais travailler plus longuement à la classe. Je ne m'ennuie pas à la classe. Je veux vous faire plaisir en vous envoyant la narration de ma journée du jeudi 16 mars qu'on s'occupait à me tirer (1), que j'ai faite moi-même.

 Madame, je vous embrasse respectueusement en vous assurant que je continue à prier pour votre chère santé, ainsi que pour celle de votre chère famille.

 Votre bien affectionnée protégée,

 Marie Heurtin.

 2 avril 1904.

 Note

 1. En photographie, par les soins de M. Maurice de la Sizeranne, qui fait préparer sur Marie un article illustré. (L. A.)

 

III

 LETTRE A MESDEMOISELLES A.

 Mesdemoiselles,

 Vos gentilles lettres que vous m'envoyez me plaisent. Vous avez voulu m'offrir vos vœux de fête. J'en étais surprise. Mesdemoiselles, vous êtes très sensibles et vous n'êtes pas fières. Je sais que vous m'aimez bien. Moi, je vous aime aussi toujours. Je souhaite que vous passiez de bonnes et agréables vacances. J'ai gagné trois beaux prix d'instruction religieuse, d'histoire, de langue française et de tricot. Avez-vous eu des prix ? Je pense souvent à ma petite filleule, je désire que vous lui donniez de gros baisers à ma place. Comment va-t-elle ? Est-elle moins colère ? J'ai prié pour elle le jour de sa fête. Sœur Marguerite vous aime et la bonne Mère aussi.

 J'offre mon respect à M. et à Mme A.

 Marthe et moi, nous vous embrassons affectueusement.

 Votre affectionnée amie,

 Marie Heurtin.

 Notre-Dame de Larnay, le 20 août 1903.

 

IV

 LETTRE A MONSIEUR A.

 Monsieur,

 C'est avec une grande joie que je vois arriver la fête de saint Louis, qui est votre fête, pour vous offrir mes vœux de bonne fête ; mais je regrette de ne pas pouvoir vous offrir un bouquet, parce que vous. êtes trop loin. Je vous remercie de ce que vous êtes toujours bon pour moi. Le jour de votre fête, je prierai beaucoup le bon Dieu par l'intercession de votre glorieux patron de vous combler des grâces les plus abondantes et de vous conserver toujours en bonne santé. Je continue à prier pour la guérison de Monsieur votre cher frère.

 Monsieur, je veux vous parler de saint Louis, roi de France, j'ai étudié dans l'histoire que sa pieuse mère Blanche l'élevait dans la piété, la crainte de Dieu et l'éloignement du péché.

 Elle lui disait souvent : "Mon cher fils, vous savez bien que je vous aime, cependant je préférerais vous voir mourir que de commettre un seul péché mortel."

 Le jeune Louis profitait les sages conseils (sic) de sa mère en pratiquant la vertu et en évitant le mal. Il était affable et doux. Il gagnait les cœurs de tous ceux qui l'entouraient, il se dévouait à secourir et à nourrir les malheureux pauvres, j'admire sa grande charité. Je remarque qu'il ne commettait jamais un péché grave délibéré pendant son règne, aussi il devint un grand saint.

 Je sais, Monsieur, que vous imitez saint Louis, votre patron : votre charité pour moi en est la preuve.

 Mon amie Marthe me charge de vous offrir ses meilleurs vœux de bonne fête, et elle priera beaucoup pour vous ce jour-là.

 Mes compagnes sont allées chez leurs parents, moi, je suis contente de rester avec mes maîtresses, qui sont toujours bonnes pour moi..

 Je me porte bien.

 Daignez agréer, Monsieur, l'expression de mes vœux très respectueux.

 Votre humble protégée,

 Marie Heurtin.

 Notre-Dame de Larnay, 22 août 1903.

 

V

 VOYAGE A VERTOU

 Journal de mes vacances (1902).

 Quelle joie j'ai éprouvée quand la bonne Mère Saint-Hilaire m'annonçait que la chère Sœur Marguerite ma maîtresse me conduira à Vertou pour voir mes parents !

 Le 6 août, on m'a réveillée dès le matin à 5 heures. Après avoir fait le signe de la croix et donné mon cœur au bon Dieu, je me suis habillée vite en pensant à mon bonheur de voir bientôt mes parents. Après m'être habillée je fis ma prière du matin et je priai le bon Dieu de protéger notre voyage; après avoir prié, j'ai bu du café et j'ai mangé du pain et du beurre. Avant de partir, j'ai dit adieu à la bonne Mère Saint-Hilaire, à mes chères maîtresses et à mes compagnes. Nous avons marché vite jusqu'à la gare de Poitiers. Sœur Marguerite a acheté des miches et elle nous en a distribué pour notre dîner et nous avons eu chacune un panier de provisions, nous sommes entrées dans la salle d'attente, nous y sommes restées pendant quelques instants. Quand huit heures et demie furent sonnées, nous nous empressions de monter dans les wagons et de prendre une place de troisième classe.

 Dès que le chef de la gare eut donné un signal, le train s'avança et marcha vite, nous fîmes le signe de la croix et nous récitâmes le Salve Regina et le chapelet pour demander à la Sainte Vierge de nous préserver d'accidents pendant notre voyage. J'ai pensé avec admiration que Dieu a donné de l'industrie aux hommes pour inventer le chemin de fer. Les wagons sont traînés par la locomotive qui marche par la force de la vapeur que produit de l'eau chaude.

 Je ne peux pas comprendre comment la locomotive peut traîner beaucoup de voyageurs qui sont dans les wagons. Pendant le trajet nous avons causé joyeusement avec Soeur Marguerite et Sœur Louis. Celle-ci conduisait les élèves pour la Vendée et celle-là conduisait les élèves à Nantes.

 J'ai compté vingt-six stations depuis Poitiers jusqu'à Nantes. Le train s'arrête à chaque station pour que les voyageurs descendent ou montent. En arrivant à Bressuire, à 10 heures, la chère Sœur Louis et les élèves de la Vendée descendirent du wagon pour prendre un autre train. La chère Sœur Marguerite, quelques élèves et moi, nous avons continué notre route. A 11 heures et demie nous avons pris nos provisions pour dîner, nous avons mangé de la miche, du saucisson et des pêches, nous avons bu du vin. En passant aux Aubiers, vers 11 heures, Mlles B., qui ont une sœur religieuse à Larnay, elles sont venues nous dire bonjour et elles nous ont donné des gâteaux pour nous goûter. Lorsque nous fûmes près de Nantes, mon cœur battit de joie en pensant que je verrai bientôt mes parents et nous mîmes en ordre. Lorsque nous fûmes arrivées à la grande ville de Nantes, à 2 heures, Sœur Marguerite aperçut que ma tante nous attendait, elle vint ouvrir la portière du wagon. Je me jetais au cou de ma tante Reine et je l'embrassais fort ; après un moment, mon papa vint m'embrasser, je le reconnus aussitôt.

 J'étais très contente de voir ma tante et mon papa, ensuite mon papa me conduisit chez un aubergiste, mon papa et moi nous avons bu du vin, j'ai eu grand soif, j'avais bien chaud. Après une heure Sœur Marguerite et ma tante Reine vinrent nous trouver, ensuite nous montâmes dans un tramway et nous y étions pendant une heure et demie. En arrivant au fleuve nous sommes entrées dans le bateau à vapeur pour aller à Vertou, mon pays natal. J'étais contente de voir et d'embrasser mon cousin le capitaine, il est chargé de conduire le bateau. Le bateau glissait doucement, j'aime mieux le bateau que le wagon parce que le wagon secoue fortement. Ce voyage en bateau a duré une heure. Là nous avons rencontré M. et Mme de R. qui connaissent la chère Sœur Marguerite, ils ont causé avec elle. Lorsque nous fûmes arrivées au rivage du fleuve, nous y descendâmes (sic). En allant chez mes parents nous nous sommes arrêtées d'abord à la maison de Mme H. et nous y sommes entrées pour la voir, je la connais beaucoup, elle est bien charitable pour mes pauvres parents, j'ai voulu lui montrer ma reconnaissance parce qu'elle m'envoyait à Poitiers pour étudier. En sortant de sa maison nous l'avons saluée et nous avons marché jusque chez mes parents. En chemin j'ai trouvé mes petites sœurs, je les ai embrassées fort. Mes petites sœurs prirent mes mains pour me conduire à maman ; j'ai embrassé avec joie ma maman, j'ai pensé que ma maman me soignait quand j'étais très petite, et j'étais très difficile, elle était très patiente. Ma maman me conduisait jusqu'au berceau où ma petite sœur dormait, elle est née depuis quinze jours. Je pris ma petite sœur et je la mis dans mes bras et je l'embrassais, elle ne pleurait du tout. Sœur Marguerite me conduisait partout, elle me servait de guide et d'interprète, elle était très bonne et très dévouée pour moi. J'ai prié Sœur Marguerite de demandera maman le nom de ma petite sœur. Elle m'a dit qu'elle s'appelle Marthe, Je me rappelais bien que la maison de mes parents est toujours la même comme autrefois je l'ai vue. Pendant trois jours je suis restée avec mes parents. Pendant trois jours je me suis promenée beaucoup.

 Beaucoup de personnes qui me connaissent étaient étonnées de me voir grande, forte et changée. Je me couchais chez ma tante parce que mes parents n'ont pas assez de lits, parce qu'ils ont beaucoup d'enfants et ils sont pauvres.

 Je me plaisais à m'amuser avec mes petites sœurs et mon petit frère qui est espiègle et à tenir ma petite sœur dans mes bras et je la berçais. Jeudi matin, pendant que nous déjeunions, un jeune monsieur, fils de R., venait en vélocipède, il s'arrêtait chez ma tante pour porter un billet d'invitation à la chère Sœur Marguerite.

 M. et M me de R. ont prié Sœur Marguerite de venir avec moi à leur château. Elle leur a écrit une lettre pour répondre qu'elle se décidait à leur invitation. A 2 heures de l'après-midi M. de R. avec son fils sont venus nous amener dans la voiture. Elle allait très vite.

 En arrivant au château Mme de R. vint nous trouver, nous l'avons saluée. Elle nous fit entrer dans le salon, nous avons causé et elle m'a questionnée. Cette dame était bien aimable, elle a dix enfants, l'aîné a vingt-deux ans et le dernier a trois ans. Tous les enfants étaient bien polis et bien gentils. Puis nous sommes allées visiter Mme Lacour, elle nous a reçues bien aimablement. A 4 heures nous sommes retournées chez ma tante. Vendredi matin, 8 août, avant de partir à Nantes, j'embrassais tous mes parents, ma tante Reine nous a accompagnées à Nantes, nous sommes allées visiter d'abord l'Institution des sourds-muets qui est dirigée par les Frères de Saint-Gabriel; j'ai pensé que mon frère sourd-muet, qui a maintenant six ans, y sera placé dans deux ans, il pourra s'instruire, car il est bien intelligent. Puis nous l'avons quittée pour aller à l'hôpital des Filles de la Sagesse. Là nous avons dîné, nous avons trouvé plusieurs sourdes-muettes qui étaient contentes de causer avec moi.

 Parmi elles se trouvait une sourde-muette et aveugle âgée de quarante ans, elle est devenue aveugle depuis dix ans, j'ai pitié d'elle, je me trouve plus heureuse d'être à Larnay. Après midi nous sommes allées voir mes deux compagnes qui sont avec leurs parents, elles ont été élevées à Larnay, elles ont été contentes de nous voir.

 A 4 heures, mon amie Céline Morin a été bien aimable de nous accompagner jusqu'à l'Orphelinat dirigé par les Filles de la Sagesse.

 Là j'ai été contente de voir mes deux amies, Mlles Augustine et Eugénie, que je connais beaucoup. Une de ces Mademoiselles a une sœur religieuse, Fille de la Sagesse, la maîtresse de l'Ouvroir à Larnay, je les ai embrassées pour elle. A 5 heures ma tante Reine est retournée chez elle. Nous avons soupé et nous avons passé la nuit à l'Orphelinat de Sainte-Marie. Le lendemain nous avons fait les préparatifs pour partir à 9 heures par le chemin de fer pour retourner à Poitiers. En arrivant à la gare de Nantes j'ai été contente de trouver encore mon papa qui voulait me voir et m'embrasser pour la dernière fois avant de nous séparer. A 9 heures nous montâmes dans les wagons. En arrivant aux Aubiers, nous y descendîmes et nous trouvâmes Mlles B. qui nous attendaient avec leur voiture. Elles nous ont invitées à passer une journée chez elles. Elles étaient très bonnes pour moi. J'ai été très contente de causer avec elles parce qu'elles sont sourdes-muettes comme moi, je les aime beaucoup.

 Dimanche après midi nous partîmes par le train pour Poitiers. Je pensais avec joie que j'arriverais bientôt à Larnay, que j'aime beaucoup, parce que c'est là que j'ai l'avantage de m'instruire. En arrivant à Larnay, j'étais contente de revoir la bonne Mère, mes chères Maîtresses et mes compagnes, en particulier celles que j'aime le plus. Je leur ai raconté sur mon voyage. J'ai remercié le bon Dieu de nous protéger pendant notre agréable promenade.

 Août 1902 (1).

 Note

 1. Nous devons la communication de ce récit détaillé à nos anciens étudiants, MM. Joseph Filhol et Gaston Peyrot, à qui les religieuses de Larnay avaient bien voulu donner la rédaction originale. (L. A.)

 

VI

 DESCRIPTION SUR LA POULE COUVANT DES ŒUFS (1)

 Hier, après midi, ma maîtresse Sœur Marguerite m'a conduite à voir et à toucher la poule qui couve treize oeufs sur la paille, dans une caisse ; je l'ai touchée et j'ai examiné comment elle couve, elle ne s'irritait pas et ne se fâchait pas, elle était tranquille et douce, je l'ai admirée, j'ai vu et touché cinq poussins qui sont sortis de la coque ; ils sont gentils et vifs, ils restent près de leur mère, la mère leur donne à manger les miettes du pain, j'ai vu d'autres œufs que la poule couve, j'ai vu un œuf qui commence à éclore; quand les poussins sont sortis de la coque, ils sont mouillés, la mère les couvre pour les faire sécher. Je ne comprends pas comment les poussins peuvent sortir des oeufs, c'est vraiment un mystère, c'est Dieu qui les a faits, c'est une merveille.

 Ordinairement au printemps, les poules, après avoir pondu leurs œufs, elles les couvent pendant vingt et un jours ; quand les poussins sortent des œufs, la mère les conduit à se promener et à leur apprendre à chercher les grains et les vers pour les nourrir.

 La mère a grand soin de ses poussins, elle veille sur eux, elle les défend et les protège quand un danger leur arrive. C'est une bonne et vigilante mère pour ses poussins. Quand les poussins deviennent plus grands, alors leur mère les abandonne. Je remercie le bon Dieu de nous avoir donné des poules et des œufs. Qu'il est bon pour nous !

 La poule est un oiseau domestique, elle est utile, elle nous donne des œufs, sa chair est un mets délicat. Elle a des ailes courtes, elle vole un peu, elle a une crête sur la tête, son bec est arrondi, ses pattes sont grandes, ont chacune quatre ongles crochus, sa queue est courte et droite. Il y a des poules de différentes couleurs.

 La poule se nourrit de grains et de vers qu'elle arrache de la terre, elle a des plumes. Quand on tue les poules, on leur arrache les plumes, qui servent à faire les oreillers, les traversins, les couettes, les coussins.

 13 mars 1904.

 Notes

 1. C'est la première rencontre de Marie avec le divin mystère de la génération.

 

VII

 EN AUTOMOBILE

 Le 23 avril 1904, un samedi, M. et Mme F., de Marseille, sont venus nous visiter avec une automobile. Ils ont eu la bonté de me montrer leur automobile. Pour me faire comprendre, je l'ai touchée et j'ai examiné sa forme. Elle est belle et grande, elle est couverte : au dedans, il y a des sièges à dossier bien capitonnés, elle a quatre roues garnies de caoutchouc. C'est une voiture sans cheval, elle marche plus vite que la voiture de Larnay, plus que le chemin de fer et les bateaux à vapeur. C'est la force de la vapeur de la pétrole (sic) qui la fait marcher.

 M. et Mme F. m'ont fait le plus grand plaisir en me faisant monter dans une automobile avec Sœur Marguerite et Marthe Obrecht, nous sommes allées jusqu'à Biard.

 Mais je serais encore plus heureuse si, au lieu d'aller jusqu'à Biard, on me conduisait en automobile jusqu'à Lourdes. Pendant que j'y étais, je sentis la marche de l'automobile bien rapide et bien douce, aussi ce voyage m'a plu vraiment. Depuis que je suis montée en automobile, j'admire la bonté et la sagesse du bon Dieu, qui a donné tant d'inventions aux hommes pour construire des automobiles et beaucoup d'autres choses.

 A présent, je pourrai dire que j'ai été en automobile. Merci, mon Dieu, de me donner de petites joies de temps en temps, mais les plaisirs de la terre passent vite ! Le bonheur du ciel ne passera jamais. Je veux mériter ce grand bonheur, m'appliquer à supporter mes infirmités et mes privations pour l'amour de Dieu.

 14 mai 1904.

 

VIII

 DIEU

 Je suis bien contente de connaître le bon Dieu.

 Je sais qu'il y a un être qui est infiniment au-dessus de tous les êtres, l'être suprême : c'est Dieu, je crois fermement son existence parce que c'est Dieu lui-même qui l'a révélée.

 L'existence de Dieu me montre par la création du monde (sic). Je crois fermement qu'il y a un seul Dieu. Dieu est éternel, il a existé toujours ; avant qu'il a créé le ciel et la terre, il existait toujours seul, il n'a pas pu s'ennuyer parce qu'il était toujours heureux, il n'a jamais été créé, il n'a pas besoin de personne, mais il nous a créés par sa grande bonté pour nous partager son bonheur et sa gloire.

 Dieu est un pur esprit, il n'a ni corps, ni figure, ni yeux, ni oreilles, ni bouche, ni bras, ni mains, nous ne pouvons pas le voir ni le toucher parce qu'il n'a point de corps. Je désire le voir et le toucher, mais je ne le peux pas parce qu'il n'a jamais de corps humain, mais j'espère que je verrai Dieu dans le ciel après ma mort. Je pense souvent en esprit que Dieu me suit partout.

 Dieu est partout, il nous voit pendant le jour comme pendant la nuit. Il nous est impossible de cacher à Dieu (sic). Dieu est tout-puissant, il fait tout ce qu'il veut, il a fait de rien le ciel et la terre. Les hommes ne peuvent pas créer. Dieu est infiniment bon, il nous a procuré tant de bienfaits, il nous donne chaque jour le pain et les aliments que nous mangeons, les vêtements qui nous couvrent, l'air que nous respirons et tout ce que nous avons, les fruits pour nous rafraîchir, les fleurs pour nous réjouir, les vaches, les bœufs, les porcs, les moutons pour nous nourrir.

 Dieu nous protège et nous garde, il pense toujours à nous, il nous aime tendrement. J'aime tendrement aussi le bon Dieu. Dieu m'a donné une âme intelligente et immortelle faite à son image et qui doit un jour partager sa gloire dans le ciel. C'est mon âme qui peut penser à Dieu, c'est mon âme qui peut l'aimer, le remercier, le prier, Dieu a placé l'intelligence dans mon âme au-dessus de tous les animaux. La mer si grande, les fleurs si belles, les astres si brillants ne sont pas faits à l'image de Dieu, mon âme est donc plus précieuse et plus noble que tous les trésors de la terre et les beautés du firmament. Tout meurt dans la nature, les animaux, les plantes et les fleurs meurent, mon corps mourra, mais mon âme ne mourra jamais, mais elle vivra pour être toujours heureuse dans le ciel si je suis bien sage. Dieu infiniment bon m'a donné aussi de bons parents pour me soigner, de bonnes et dévouées maîtresses pour m'instruire; il m'a conduite à Larnay, où je suis si heureuse, il m'a donné encore des prêtres pour m'aider à me conduire dans le chemin du ciel, pour me confesser, me donner la sainte communion. Dieu est infiniment bon pour nous, il nous a envoyé son fils unique sur la terre pour nous sauver par sa naissance dans une pauvre étable, par sa vie de travail, par sa passion et sa mort sur la croix. Merci, mon Dieu, de vos bienfaits et de vos bontés pour moi, pauvre sourde-muette et aveugle, je veux être toujours reconnaissante envers Dieu et l'aimer de tout mon cœur par-dessus toutes choses.

 Dieu est infiniment miséricordieux, il aime à pardonner quand nous avons le regret de l'avoir offensé même véniellement ou gravement.

 Dieu est infiniment juste, il récompense les bons et il punit les méchants. Dieu désire que nous allions tous au ciel à la condition que nous observions bien ses commandements. Dieu appelle les pécheurs à se convertir, mais beaucoup d'hommes méchants, orgueilleux, avares, gourmands, colères, impies, ne veulent pas se convertir, vont en enfer après leur mort par leur faute, ils sont très et toujours malheureux dans l'enfer parce qu'ils ne voient jamais Dieu, ils ne cessent jamais de souffrir dans l'enfer.

 Mon plus grand bonheur est de connaître le bon Dieu, de l'aimer, de lui obéir et de le servir que d'avoir beaucoup d'or et de plaisirs. Mon Dieu, je veux bien profiter de vos bienfaits, de vos bontés et des souffrances et de la mort de Jésus-Christ, en passant mes années à vous aimer et à vous servir fidèlement toujours jusqu'à ma mort pour vous aimer encore pour toujours ensuite dans le ciel. Je le désire de tout mon cœur... Je suis très contente que le bon Dieu m'a fait sourde-muette et aveugle pour pouvoir vous connaître mieux. Je vous remercie de cette grâce que le monde ne connaît pas.

 Marie Heurtin.

 8 février 1904.

 

II*

 LETTRE DE CONDOLÉANCES

 POUR UNE MORT GLORIEUSE DE LA GUERRE.

 Monsieur et Madame,

 Les journaux nous ont appris la mort de M. F....votre frère : cette nouvelle nous a vivement attristées et c'est de tout notre cœur que nous prions pour le cher défunt. Nous prions aussi pour vous, Monsieur et Madame, et pour votre famille désolée. Daignez agréer, Monsieur et Madame, avec l'assurance de nos prières, l'hommage de notre profond respect,

 Marie HEURTIN.

 Notre-Dame de Larnay, le 8 octobre 1914.

 

 VI*

 MON PELERINAGE A LOURDES (1908).

 Le 13 juillet, j'éprouvai une grande joie en allant faire mon pèlerinage à Lourdes, pèlerinage désiré depuis si longtemps. En partant de Poitiers mon cœur tressaillait d'allégresse en pensant que j'irais bientôt m'agenouiller au pied de la grotte de l'Immaculée Conception. Pendant que j'étais en chemin de fer, je priais en songeant à la Sainte Vierge, j'attendais avec impatience l'arrivée à Lourdes. En arrivant mon cœur surabondait d'une joie inexprimable. Aussitôt j'ai eu le bonheur de communier dans l'Eglise du Rosaire, le lendemain à la Basilique, puis à la grotte. Près de la grotte de la Sainte Vierge mon cœur est rempli de douces émotions en me rappelant que j'étais dans le même endroit que la Sainte Vierge a apparu 18 fois à la pauvre et humble Bernadette. Je suis contente d'avoir offert à ma bonne Mère du ciel les fatigues de mon voyage et les privations de voir les beautés de la nature et de la grotte. Là je sentais la présence réelle de la Sainte Vierge et qu'elle me regardait avec bonté. Par obéissance je lui ai demandé la vue pour sa gloire ; mais elle ne me l'a pas obtenue, je reste aveugle, je ne suis pas triste, je suis aussi bien contente de faire la volonté du bon Dieu et de la Sainte Vierge avec l'espérance que je verrai mieux dans le ciel les splendeurs éternelles du bon Dieu et de la Sainte Vierge. J'ai beaucoup prié la Sainte Vierge pour ma sanctification et pour m’obtenir la grâce d'une bonne mort, pour le Pape, le triomphe de la Sainte Eglise, le salut de la France, la conversion des pêcheurs, la conservation de la maison de Saint-Laurent et de Larnay, pour tous mes bienfaiteurs spirituels et temporels, pour les besoins spirituels et temporels de mes parents.

 J'ai été très touchée de voir beaucoup de malades souffrir avec patience et résignation, surtout une jeune fille de Tours que j'ai vue étendue dans un panier dans le bureau des médecins. J'ai été très émue de compassion en voyant ces pauvres malades qui ne sont pas guéris. Ces malades étaient placés sur le passage du très Saint-Sacrement ; j'ai prié avec eux pour demander leur guérison, pas la mienne. J'éprouvais une grande douce consolation au passage du Saint-Sacrement. Quand il passait devant moi, je sentais que le bon Jésus me donnait des grâces de courage et de résignation pour supporter ma triple infirmité.

 Le vendredi, jour de notre départ de Lourdes je pensais avec tristesse et regret que j'allais quitter bientôt ce lieu béni, ce lieu de miracles, je voulais rester encore plus longtemps près de la grotte de la Sainte Vierge de Lourdes. Marie me parlait intérieurement comme elle avait parlé à Bernadette, me disant de ne pas me rendre heureuse sur la terre, mais dans l'autre. J’ai quitté la grotte de Lourdes en pleurant et en disant à Marie que je la verrais bientôt dans le ciel. Je sais bien que Marie si bonne me protégera jusqu'à ma mort. Je conserverai toujours le souvenir de mon pèlerinage à Lourdes et des bontés de Marie pour moi.

 Marie HEURTIN.

 

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